Commentaire paru dans La Gazette de la Société et des Techniques, n° 21, juillet 2003
http://www.annales.org/gazette/gazette-21-07-03.html
Christian Marchal n’a pas tort de souhaiter la mise sur la place publique de la politique familiale, ce qui pourrait aller de pair avec une harmonisation européenne et une péréquation régionale, et serait de nature à réduire à la fois l’abstention et le vote pour les démagogues. Mais la « démocratie complète » est sans doute à rechercher ailleurs.
Nos institutions familiales résultent d’abord des principes adoptés en 1945,
– impôt progressif sur le revenu avec « quotient familial », ( ‘’à revenu par part égal, impôt par part égal’’ )
– inclusion dans la Sécurité sociale d’un système généreux d’allocations et prestations familiales
– et financement de celle-ci, y compris assurance-maladie et assurance-vieillesse, par des cotisations discutées avec les organisations syndicales, ouvrières et patronales.
En 1958, le « plan Rueff » corrigea les dérives inflationnistes qui avaient miné la 4ème République, en augmentant globalement mais en simplifiant sérieusement la structure de l’impôt direct. C’est le chômage qu’il s’agit aujourd’hui de réduire, en prenant en compte d’un côté les transformations sociologiques induites par le développement du travail salarié féminin, la généralisation de la contraception, le recul du mariage, le vieillissement de la population… de l’autre les transformations institutionnelles induites par la création en 1967 des grandes caisses nationales (CNAM, CNAV-TS, CNAF et UNEDIC), par l’introduction de prestations sous conditions de ressources (1972), par la CSG (1990), par la prime pour l’emploi (1999)…
Une avancée démocratique a été en 1996 l’institution du débat annuel sur le financement de la Sécurité sociale (plan Juppé). Mais il n’existe toujours pas de budget consolidé de l’Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale, ni d’information publique sur la répartition des prélèvements obligatoires selon le revenu et la configuration familiale, au plan national et au plan régional. On ne dispose pas de balances cotisations/prestations pour les ménages des diverses catégories d’âge, de revenus et de professions. À vrai dire, les caisses de Sécurité sociale ne connaissent pas non plus le nombre de leurs assurés et de leurs ayant droit ; la couverture maladie universelle (CMU) n’a fait qu’aggraver ce désordre..
Or la simple préparation d’un tel budget consolidé, dans un cadre européen, ferait apparaître que la France recourt beaucoup plus que ses partenaires aux cotisations sociales, y compris la CSG, et beaucoup moins à l’impôt direct. Comme les cotisations pèsent dès le premier euro, alors que l’impôt direct est progressif avec un « abattement à la base », cette anomalie accroît excessivement le coût de l’embauché, et explique en partie le chômage en France, et le chômage des jeunes en particulier.
Moderniser et démocratiser la politique sociale et familiale devrait donc inclure, avec l’appui de l’opinion publique, plutôt que le vote familial ou la « démocratie complète »,
– 1. un recensement périodique des assurés sociaux et de leurs ayant droit ;
– 2. la simplification drastique de l’ensemble « prélèvements obligatoires (impôt sur le revenu, CSG et cotisations sociales) moins impôt négatif (allocations familiales et prime pour l’emploi) » et sa convergence vers un modèle européen recourant moins aux cotisations sociales et plus à l’impôt direct ;
– 3. l’organisation de débats régionaux sur les perspectives de population, qui se modifient par l’excédent naturel (natalité – mortalité) et le solde migratoire (intérieur et extérieur), et sur le financement des équipements collectifs pour l’enseignement, la santé et la petite enfance ;
– 4. la mise au point de « portails Internet » sur lesquels le public pourrait faire simuler, sous diverses hypothèses, prestations familiales, droits à pensions de retraite de Sécurité sociale, impôts directs, nationaux et locaux, cotisations et prestations sociales…
Vaste programme ?…
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