René Girard et le désir

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Pour un Talmud français

L’élection de René Girard à l’Académie française pourrait être l’occasion de relancer l’étude de la Bible dans les milieux intellectuels français. Sa lecture des Evangiles a suscité des controverses en milieu chrétien, mais Girard cite souvent l’Ancien Testament et on aimerait lui susciter des contradicteurs hébraïsants. Par exemple, le début de Je vois Satan tomber comme l’éclair (Grasset) est ainsi rédigé :


<< Un examen attentif montre qu’il existe dans la Bible et les Evangiles une conception originale et méconnue du désir et de ses conflits. Pour appréhender son ancienneté, on peut remonter au récit de la Chute dans la Genèse, ou à la seconde moitié du Décalogue, tout entière consacrée à l’interdiction de la violence contre le prochain. Les commandements six, sept, huit et neuf sont aussi simples que brefs. Ils interdisent les violences les plus graves dans l’ordre de leur gravité :

Tu ne tueras point.
Tu ne commettras point d’adultère.
Tu ne voleras point.
Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.

Le dixième et dernier commandement tranche sur ceux qui le précèdent et par sa longueur et par son objet : au lieu d’interdire une action il interdit un désir :
Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, rien de ce qui est à lui. (Ex 20, 17)

Sans être vraiment trompeuses les traductions modernes lancent les lecteurs sur une fausse piste. Le verbe « convoiter » suggère qu’il doit s’agir ici d’un désir hors du commun, un désir pervers réservé aux pécheurs endurcis. Mais le terme hébreu traduit par « convoiter » signifie tout simplement « désirer ». C’est lui qui désigne le désir d’Eve pour le fruit défendu, le désir du péché originel. L’idée que le Décalogue consacrerait son commandement suprême, le plus long de tous, à la prohibition d’un désir marginal, réservé à une minorité, n’est guère vraisemblable. Dans le dixième commandement, il doit s’agir du désir de tous les hommes, du désir tout court. >>

“Tu ne convoiteras pas”, c’est lo Ta’hmod, LA TEMD (le E transcrit le ‘Het) (Exode 20, 17). La racine EMD (guématries 25/52) apparaît en effet, au passif, dans “”veNé’hemad”, WNEMD, de “l’arbre désirable” de Genèse 3,6. Ce rapprochement avec le dialogue d’Eve et du serpent me paraît justifier la connotation sexuelle du mot “désir” en français.

Quels sont les commentaires des rabbins, du midrach, d’Emmanuel Lévinas… ?

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Une réponse à “René Girard et le désir”

  1. MLL a écrit :

    Dans son commentaire "La voix de la Torah" sur Exode 20, 17, Elie Munk remarque qu’en Deutéronome 5, 20, le deuxième "Lo Ta’mod", LA TEMD, celui concernant "la femme de ton prochain" est remplacé par "Lo Titaavéh", LA TTAWH, et que ce verbe TAWH " se rapporte au seul sentiment de la convoitise".

    "Est-il au pouvoir de l’homme de s’empécher de convoiter un objet empreint de beauté et de charme ?" demande-t-il. Et il répond : "Il appartient à chaque individu de fermer les yeux et de détourner ses pensées de tout ce que Dieu lui a défendu. Ce sont pour lui des objets inaccessibles". Et il donne comme exemple le péché de la femme en Genèse 3,6, où l’arbre (et non le fruit) est successivement désirable (taavé, TAWH) et convoitable (né’hemad, NEMD).

    Le commandement négatif " Tu ne convoiteras pas…" est donc un commandement positif : "Refoule tes désirs inaccessibles".

    Tout ceci ne contredit pas René Girard, mais l’éclaire.

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