Christ est ressuscité !

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Pourquoi les Orthodoxes fêtent-ils Pâques aujourd’hui, dimanche 1er mai ?

Un article du journal de Lausanne 24 heures
Région La Côte (Vaud); 27.04.2005; page 33

Catholiques et protestants ont-ils fêté Pâques un mois trop tôt ?

Pâques ? C’était il y a un mois … pour les protestants et les catholiques. Mais les orthodoxes attendent que les juifs soient sortis du temps de leur Pâque pour proclamer la résurrection du Christ. Cette année, ce sera ce dimanche 1 mai. Un écart (inhabituel) de cinq semaines à expliquer.

Pourquoi les Eglises ne sont-elles pas arrivées en vingt siècles à trouver une date commune pour célébrer le fondement du christianisme ? Une histoire compliquée, où se côtoient deux systèmes de mesure du temps, trois calendriers et deux façons de concevoir une journée.

« En fait, c’est tout simple — et ça n’a rien à voir avec le décalage entre le calendrier grégorien et le julien », explique Ambroise Cantacuzène, évêque de Vevey de l’Eglise orthodoxe russe à l’étranger.

« La table de Pâques a été définie par le Concile de Nicée en 325. Les Pères de l’Eglise ont alors décrété que Pâques tomberait le dimanche qui suit la première pleine lune du printemps. Mais il y a un second critère: ce dimanche doit suivre la Pâque juive, puisque Jésus est ressuscité après cette fête. Les catholiques et les protestants ont oublié ce critère chronologique. »

Un dimanche ou à date fixe ?

En fait, ça n’est pas si simple. Si les premiers chrétiens reconnaissaient que la résurrection du Christ est l’événement fondamental de leur foi, ils n’ont pas fêté Pâques avant la fin du I siècle.

Il est vrai que les Evangiles n’en indiquent pas la date précise. Ils mentionnent seulement que la résurrection a eu lieu le premier jour de la semaine (donc un dimanche) et que les derniers jours du Christ se sont déroulés dans le temps de Pessah, la Pâque juive.

Pessah signifie le « passage », l’exode du peuple juif libéré de l’esclavage en Egypte. La fête commence le 15 du mois de nisan, au soir de la première pleine lune suivant l’équinoxe de printemps, et dure sept jours (huit hors d’Israël).

Dès le II siècle, la controverse sur la date de Pâques éclate. Les Eglises d’Asie mineure la fêtaient le 14 nisan, quel que soit le jour de la semaine, commémorant la date admise comme étant celle de la mort de Jésus. Ailleurs, on célébrait Pâques un dimanche, jour de la résurrection.

En 192, le pape Victor voulut excommunier les premiers. La crise fut résolue par saint Irénée: l’évêque de Lyon fit admettre que, quand des communautés suivent deux traditions différentes, mais pareillement d’origine apostolique, elles sont membres de plein droit de l’Eglise.

Le compromis de Nicée

La question fut tranchée au premier Concile œcuménique, à Nicée en 325: tous les chrétiens fêteraient désormais Pâques le premier dimanche après la pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps.

Signe d’indépendance de la jeune religion par rapport à son origine, la formule de Nicée ne fait pas de référence explicite à la Pâque juive. Mais elle s’assure que la célébration de la résurrection suivrait toujours la fête de Pessah. En principe.

Mais la date commune à tous les chrétiens est restée une utopie. Le calcul des phases lunaires n’était alors pas évident, si bien que l’équinoxe retenu par les calendriers n’a souvent pas correspondu à la date astronomique.

Quant au calendrier grégorien, imposé par le pape en pleine contre-R éforme (1582), il ne fut adopté que tardivement dans les pays réformés. Et les orthodoxes ont conservé le calendrier julien, au moins pour fixer les dates des fêtes religieuses.

Le décalage est relativement minime: Pâque juive, Pâques catholique, protestante et orthodoxe se succèdent généralement dans les dix jours, quand elles ne coïncident pas.

Le treizième mois qui change tout

Mais tous les dix-neuf ans, l’écart peut atteindre cinq semaines, à cause des particularités du calendrier juif.

« Luni-solaire », il se fonde à la fois sur le mouvement de la Lune et les saisons de la Terre. Pour que le 15 nisan tombe toujours à la pleine lune du printemps, un treizième mois est intercalé à la fin de l’hiver lors des années dites embolismiques: adar, le dernier mois d’hiver, est alors suivi d’un adar II.

Dix-neuf années solaires comptent 235 mois lunaires. Mathématiquement, le compte est bon. Mais ce système provoque une « dérive » de Pessah par rapport à l’équinoxe de printemps. En principe, Pessah ne devrait pas commencer après le 21 avril. Mais en 2005, 2024 et 2043, le tournus prédéterminé impose adar II une année trop tôt, décalant le printemps religieux d’une lunaison entière.

Et comme les orthodoxes ont maintenu la tradition orientale de ne jamais célébrer Pâques avant Pessah … En somme, c’est la « faute » à saint Irénée !

FRIDOLIN WICHSER

A M B R O I S E C A N T A C U Z È N E Evêque de Vevey de l’Eglise orthodoxe russe à l’étranger.

« La bondieuserie, il n’y a pas pire !»

— Quelle est la nature du fossé qui sépare catholiques romains et orthodoxes ?

— Le rapprochement n’est aujourd’hui pas possible à cause d’une évolution dogmatique récente. C’est en effet au XIX siècle que Rome a adopté les deux dogmes de la primauté et de l’infaillibilité du pape, qui tranche le débat sur la prééminence du primat ou du concile, et celui de l’Immaculée Conception. Celui-ci ne dit pas que Marie a mis au monde virginalement son fils: les Evangiles le disent clairement, il n’y a pas à revenir là dessus. Il dit que Marie a été conçue par ses parents en dehors du péché originel. Si on admet ça, Marie est distincte du genre humain, donc le Christ n’a pas été incarné, on nie son humanité. Les catholiques pensent que l’homme naît pécheur, ce qui nie la libre disposition de l’individu. Nous, nous disons que la mère de Dieu s’est abstenue de pécher, pas qu’elle était exempte du péché.

— Et avec les protestants ?

— Nous nous définissons tous comme membres de l’Eglise en tant que corps du Christ. Ce qui me fait dire qu’il s’est produit une tragédie au XVI siècle, lorsque la Réforme a ébranlé Rome: si la communication avait pu s’établir, il y aurait peut-être eu un retour à l’Eglise primitive. Des contacts ont été établis entre l’Eglise orthodoxe et les premiers réformateurs, mais le patriarche de Constantinople a été déposé pour ça.

— Les orthodoxes sont les grands absents du mouvement œcuménique vaudois — oubliés ou volontaires ?

— Ce qui est fondamental, c’est que l’homme est né libre. A cet homme libre, l’Eglise propose un enseignement. Si vous le rejetez, c’est votre problème. Je ne peux pas dire « hors de l’Eglise, pas de salut »: c’est la liberté de Dieu de vous accorder ou non le salut. Mais la seule voie que je puisse enseigner et qui mène sûrement au salut, c’est celle de l’Eglise. Par conséquent, il faut pour commencer être aussi conscient que possible de l’enseignement dispensé par son Eglise. Dès lors, je ne peux pas devenir minimaliste pour essayer de me mettre d’accord avec les autres Eglises sur une plateforme commune. Un œcuménisme de compassion, de fraternité, d’amour, oui. Mais des célébrations communes réduites à une bouillie informe, non. La bondieuserie, il n’y a pas pire ! On ne fait pas de bons paroissiens avec des bons sentiments.

F. W. PATRICK MARTIN

» Q U E S T I O N O U V E R T E À LA RECHERCHE DE LA DATE COMMUNE.

L’unité ou la distinction ?

Dans les années 1960 et 70, l’idée d’une date de Pâques fixe — le deuxième dimanche d’avril — intéressa à vrai dire davantage les milieux intéressés à standardiser les dates du calendrier pour les gouvernements, les milieux d’affaires et les écoles, que les églises. Mais la plus récente réunion œcuménique de haut niveau, la consultation d’Alep (Syrie) en 1997, rejeta cette standardisation, réaffirmant le principe de Nicée. Des voix s’élèvent pour dire que la balle est dans le camp des orthodoxes, qui doivent d’abord réunifier des Eglises dispersées par l’histoire. Si le processus est engagé entre les deux courants de l’Eglise russe, la suite « prendra des siècles », admet Ambroise Cantacuzène. « Mais ça n’est pas grave: nos différences sont essentiellement administratives. » Professeur d’histoire médiévale à l’Université de Lausanne, Agostino Paravicini voit même dans ces différences une affirmation d’identité: « Les chrétiens ont très tôt ressenti le besoin de marquer la différence. S’ils laissent tomber la circoncision en 70, ça n’est pas par conviction, mais pour se distancier des juifs. La perception même de Pâques est différente entre protestants et catholiques. Le Vendredi-Saint est important pour les premiers, alors que les seconds l’ignorent, marquant tout au plus le jeudi. Ces rythmes de calendrier différents donnent une identité aux Eglises qui les ont adoptés. » Bref, la formule de saint Irénée a encore un bel avenir.

F. W.

3 ré:ponse à “Christ est ressuscité !”

  1. LG a écrit :

    Je crois qu’il faudrait peut-être affirmer avec moins de certitude que la Concile de Nicée a fixé une règle pour déterminer la date de Pâques.

    Parce que c’est loin d’être exact. J’essayerai un jour de faire le point sur ce sujet dans une page de mon site.

    En ce qui concerne la différence de 5 semaines constatée entre Pâques Catholique/Protestante et Pâques Orthodoxe, SI elle s’explique en grande partie par le décalage entre le calendrier grégorien et le calendrier julien.

    Comme le "printemps" julien précède le "printemps" grégorien (21 mars julien = 3 avril grégorien) les Orthodoxes ont dû attendre une lunaison de plus pour que la pleine lune tombe après le "printemps".

    Et comme les lunes juliennes et grégoriennes sont des lunes fictives avec un mode de calcul différent… mais c’est une autre histoire… qui explique les quelques jours restants.

    Ceci dit, pourquoi Pâques viendrait toujours après Pessah ?

    LG

  2. MLL a écrit :

    Pourquoi Pâques viendrait toujours après Pessah ?

    Parce que la Crucifixion (Vendredi saint)/ Résurrection (Dimanche de Pâques) viennent après la Cène (repas pascal = jeudi saint). Pour les Orthodoxes, le Seder juif et la Fête des Azymes reproduisent le dernier repas du Christ.

    MLL

  3. LG a écrit :

    J’avais bien compris.

    C’était à l’époque du Christ et de la Cène.

    Mais, de nos jours, alors que le calendrier juif est luni-solaire et le calendrier grégorien solaire, pourquoi Pâques devrait toujours venir après Pessah ?

    Quand à la Pâques orthodoxe, je n’ai pas vérifié mais j’ai presque la certitude qu’avec la seule règle la plus connue Pâques viendra toujours après Pessah. Les deux calendriers qui régissent les deux Pâques sont luni-solaires et construits sur le même cycle de Méton. Avec la limite basse de l’équinoxe de printemps, il n’y a pas de risques.

    J’ignorais pour ma part cette règle d’antériorité et ne connaissais que celle qui veut que les deux Pâques ne doivent absolument pas tomber le même jour.

    Je vais creuser.

    LG

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