Carte et numéro d’identité

Démographie et politique Ajouter un commentaire

La vigilance est nécessaire, mais doit être exactement informée : les choses sont assez compliquées pour ne pas être encombrées de fantasmes.

Le projet de “carte d’identité biométrique” fait des vagues. Le Monde daté du 17 juin publie, entre autres articles, une interview de Pierre Piazza, auteur d’une “Histoire de la carte nationale d’identité” (Odile Jacob). Le même auteur a accordé sur le même sujet une autre interview à Libération.

Il se trouve que j’ai publié dans Population, revue de l’INED, une recension critique de l’ouvrage de Pierre Piazza, reproduite sur ce blog.

Or les défauts que je reprochais au livre de Piazza se retrouvent dans ses interviews. Ils accroissent à mon avis la confusion dans laquelle se déroulent les nécessaires débats sur le projet INES de carte d’identité biométrique, et sur l’utilisation du répertoire national d’identité géré par l’INSEE.

Piazza montre que la mise au point d’une carte nationale d’identité est une vieille histoire, mais il n’explicite pas clairement la dialectique de l’identité nationale qui, dans chaque pays, cherche à combiner les nécessités de l’ordre public et la protection des libertés individuelles. Les spécificités françaises en ce domaine doivent être indéfiniment réexpliquées :

1. La centralisation, dite ” jacobinisme”. En France, le ministre de la Police est celui des Collectivités locales et peut adresser des circulaires, via les préfectures, à toutes les municipalités.

2. L’ancienneté des registres paroissiaux, normalisés par l’édit de Villers-Cotterêts de François 1er, transférés aux municipalités par l’Assemblée Législative, en sa dernière séance du 20 septembre 1792, jour de la bataille de Valmy, quelques jours après les “massacres de septembre”.

3. Le rôle de Napoléon Bonaparte, despote éclairé, qui promulgue le Code civil mais fait exécuter le duc d’Enghien.

4. La désastreuse expérience du régime de Vichy, dit de ” l’Etat français”, dont le personnel politique et les apparences (préfets, Journal Officiel, tribunaux …), étaient issus de la IIIème République, et auquel est attaché le souvenir dramatique et héroïque de la guerre des “faux papiers”, cruciale dans les combats de la Résistance.

5. La création sous ce régime, par René Carmille, héros de la Résistance mort à Dachau, en vue de la mobilisation clandestine contre l’Occupant,
- d’un numéro matricule déterminé dès la naissance,
- et de son service gestionnaire équipé de matériel mécanographique à cartes perforées, le SNS.
Sans qu’aucune “bavure” particulière lui soit reprochée à l’époque, ni dans la persécution antisémite, ni dans la gestion du STO, ce numéro est devenu à la Libération notre “numéro de Sécurité sociale” et le SNS est devenu l’INSEE. C’est trente ans plus tard, aux débuts de l’informatique, au moment du “projet Safari” et de la création de la CNIL, que le numéro de Carmille et le SNS ont été, à des fins de polémique, présentés à tort comme des rouages de la politique criminelle du régime de Vichy.

6. L’attachement des Français à la Sécurité sociale, réussite admirable mais monstre administratif (”usine à gaz”) au déficit abyssal, échappant pour l’essentiel au contrôle des pouvoirs publics et des élus locaux et nationaux. A la différence des déficits budgétaires des IIIème et IVème Républiques, qui étaient couverts par la planche à billets et la dévaluation génératrices d’inflation, celui de la Sécurité sociale est couvert par l’augmentation de cotisations sur salaires (aujourd’hui la CSG), perçues dès le premier franc (euro), donc par l’augmentation du coût de l’embauche, génératrice de chômage.

Tout projet, en particulier ” d’informatisation”, concernant la carte ou le numéro d’identité des habitants, ne peut que susciter une vive méfiance. Les registres d’état civil, la carte d’identité et le passeport, le numéro de Sécu, la déclaration de revenus, la carte bancaire… sont cependant entrés dans les moeurs ; il n’en est pas encore de même de la carte Vitale. La confiance populaire ne peut naître que de l’expérience d’une pratique apaisée et de la perception de commodités, exemptes de toute “bavure”.

Je maintiens mon plaidoyer pour un “répertoire permanent des ménages”.


La Bible hébraïque présentée, traduite (5 langues, 8 versions) et commentée sur JUDÉOPÉDIA
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2 ré:ponse à “Carte et numéro d’identité”

  1. Michel Louis Levy a écrit :

    Le rapport du Forum des droits de l’Internet pose de bonnes questions.

    http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/brp/notices/054000390.shtml

    On y apprend l’existence d’un projet de “dématérialisation de l’état civil”, qui mériterait à lui seul un autre Forum.

    Il faut être intransigeant sur les conditions qui fondent la confiance du public dans le numéro INSEE (numéro Carmille) et le RNIPP (répertoire national d’identification des personnes physiques). Le principe fondamental est que tout fichier fonctionne dans l’intérêt de ceux dont il garde l’identité. Je suggère en particulier :

    1. l’extension au RNIPP des règles juridiques de protection de l’état civil (enregistrement de déclarations, accès aux seuls ayant droit)

    2. la formalisation de la consultation du RNIPP, réservée aux seuls organismes de Sécurité sociale et à la Justice, invitation étant faite aux autres demandeurs à créer leurs propres fichiers, soumis à l’agrément de la CNIL

    3. la force de loi donnée à la jurisprudence de la CNIL (respect de la finalité des fichiers, contrôle du droit d’accès et de correction…, sous réserve des droits des statisticiens et historiens)

    De plus, l’INSEE, qui resterait gestionnaire du RNIPP, serait invité à :

    4. informer tous azimuts (éducation, presse, media…) sur l’histoire et le fonctionnement du RNIPP et sur les garanties le protégeant ;

    5. publier un rapport statistique annuel sur le répertoire et le numéro d’identité, en stock et en flux, incluant une comparaison nationale et régionale avec les chiffres du recensement, de l’état civil, et de l’Office des Migrations Internationales.

  2. Le Monde a écrit :

    Le projet de nouvelle carte Sesam-Vitale en panne

    LE MONDE | 30 juin 2005 |
    Le ministère de la santé la juge trop coûteuse. Présentée comme l’un des éléments clés de la réforme de l’assurance-maladie, la carte Sesam-Vitale 2 prend du retard.

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