La drogue des préretraites

Démographie et politique Ajouter un commentaire

Démographie et politiques publiques.

Ayant introduit en décembre un groupe de travail sur “Démographie et politique des puissances publiques”, mon intervention a été ainsi résumée :

- « les puissances publiques ne tiennent jamais compte des données démographiques » sauf dans le cas exceptionnel de la politique nataliste des années 1940 en France, sous l’influence d’Alfred SAUVY. Sont cités comme exemples l’entrée des femmes sur le marché du travail, l’immigration et le vieillissement de la population. La difficulté à prendre en compte le long terme est bien entendu l’explication fondamentale de ce constat ;

- le vieillissement de la population (baby boom de 1946) aurait dû être anticipé en matière d’âge de la retraite pour éviter que la procédure des préretraites, inventée en 1975 pour faire face à la crise de la sidérurgie, se généralise comme une drogue puissante ;

- il y a aujourd’hui nécessité d’inventer des emplois pour les plus de 55 ans (le tutorat peut être une des solutions), de remettre en cause le principe de la rémunération croissante avec l’âge, de permettre le cumul d’activités et d’employeurs, etc …

Voir à ce sujet : Gestion démographique des ressources humaines

3 ré:ponse à “La drogue des préretraites”

  1. J.M. a écrit :

    "inventer des emplois pour les plus de 55 ans"

    La question réelle n’est pas à mon avis d’inventer des emplois mais de permettre d’exercer des services non marchands absolument nécessaires à notre société, et qui seront financés :
    - par l’Etat Providence, qui est débordé de demandes mal régulées ?
    - par le biais du bénévolat ?
    -ou de fondations ce que la France n’a pas su développer contrairement à d’autres Pays proches ?
    - ou par la conjonction des 3 précédents ?

    Certains se gargarisent de la crise des valeurs, de la crise de la culture, de l’art sans art etc. Ne faudrait-il pas retenir des besoins essentiels pour notre société ( cohérence sociale, culture, qualité de vie etc)et mettre en rapport les moyens disponibles que les plus de 55 ans hors circuit ou "au placard" peuvent apporter ?

    Personnellement, je vais prochainement disposer de tout mon temps de travail pour exercer les activités que je n’ai pu avoir à ce jour. Avec un peu de chance, certaines activités en faveur du domaine artistique pourraient être beaucoup plus "rentables" au plan financier et humain que ce que j’ai pu faire à ce jour.

    Il faut permettre à chacun de développer son utilité sociale pour que des situations désespérantes se dénouent positivement. Si la crise des valeurs existe, cherchons à en recréer, le bien-être suivra.
    J.M.

  2. Michel Louis Levy a écrit :

    Merci de votre commentaire. Entre l’”emploi” salarié et le ” “bénévolat” gratuit, il y a place pour une multitudes d’activités, rémunérées par des indemnités complétant les revenus de retraite mais beaucoup moins lourdes que des salaires pour les “employeurs”. C’est le régime fiscal et social de ces indemnités qu’il faudrait alléger.

  3. Antoine d'Autume, Jean-Paul Betbèze, Jean-Olivier Hairault a écrit :

    Au travail, les seniors

    Le Monde. Article paru dans l’édition du 05.01.06

    Il est possible et souhaitable de faire remonter le taux d’emploi des 55-64 ans en France

    La France se singularise par ses mauvaises performances en matière d’emploi des seniors. Loin de l’objectif fixé à Lisbonne d’un taux d’emploi de 50 % pour les 55-64 ans, ce taux est actuellement de 37 % en France. Cette situation fragilise notre système de protection sociale (retraite, chômage, invalidité), particulièrement dans un contexte d’élévation de l’espérance de vie. Pourtant 13 % seulement des Français de plus de 60 ans travaillent, le taux le plus faible des pays industrialisés. Suffit-il donc d’augmenter l’âge de la retraite comme la réforme de 2003 a commencé à le faire ?

    C’est là qu’intervient l’autre face de notre faible taux d’emploi des seniors : il semble irréaliste de vouloir prolonger l’activité au-delà de 60 ans, alors que nos compatriotes ont déjà bien du mal à atteindre cet âge en travaillant (seul un Français sur deux a encore un emploi entre 55 et 60 ans). L’évidence ne s’impose-t-elle pas ? Les Français, quand bien même ils le souhaiteraient, ne sont pas en situation de prolonger leur activité. Mais cette évidence n’en est pas une. Elle nous enferme dans la situation présente, où un taux de chômage élevé va de pair avec la mise en préretraite des seniors et le maintien des jeunes aux marges de l’entreprise. Elle s’accommode de l’inacceptable. Une autre voie est possible.

    Le projet d’accord signé le 13 octobre 2005 entre les partenaires sociaux s’y est engagé, sans pourtant aller assez loin. Il reflète les deux points de vue en présence. Côté patronat, on insiste sur le différentiel qui se creuse entre des salaires qui progressent à l’ancienneté et une productivité des seniors qui s’essouffle, sous l’usure du temps et d’une inadaptation au changement technologique. Pointant la quasi-impossibilité, actuellement, d’un retour à l’emploi des seniors, le Medef préconise un contrat de travail à contraintes allégées, prenant la forme d’un CDD de dix-huit mois renouvelable une fois. De leur côté, les syndicats reconnaissent implicitement que la productivité des seniors peut être un problème, mais ils l’imputent à un manque de formation ; ils demandent que celle-ci soit un droit tout au long de la vie.

    Un diagnostic plus large est nécessaire. L’emploi des 55-59 ans souffre en France de deux maux spécifiques. Le premier est, tout simplement, la retraite à 60 ans. Le projet d’un CDD de dix-huit mois réservé aux plus de 57 ans et renouvelable une fois montre que cet âge butoir reste la référence pour les partenaires sociaux. En raccourcissant l’horizon de vie active des quinquagénaires, c’est pourtant lui qui décourage tout investissement des et dans les seniors. Lorsque la retraite est proche, à quoi bon rechercher un emploi , à quoi bon assumer les coûts d’une embauche ? Au lieu d’aggraver le problème, prolonger l’activité au-delà de 60 ans serait à terme le seul moyen de le résoudre.

    Le second mal français est ce consensus qui fait des seniors la variable d’ajustement de notre problème d’emploi. Leur départ anticipé constituerait un moindre mal, justifiant des dispositifs d’indemnisation avantageux. Les entreprises peuvent ainsi ajuster leurs effectifs sans trop mettre en cause la paix sociale, et la puissance publique réduire le nombre de chômeurs comptabilisés. On peut même feindre de croire que l’exclusion des seniors crée des emplois pour les jeunes…

    Cette pratique est profondément ancrée. Les préretraites publiques ont disparu, mais la dispense de recherche d’emploi les remplace et les préretraites maison continuent dans les grandes entreprises. Le plus grave est que cette culture façonne toutes les représentations sociales : si les seniors partent si tôt, c’est bien qu’ils sont usés et peu productifs. Les intéressés eux-mêmes finissent par s’en convaincre. Nous perdons alors de vue que c’est la société française qui a organisé ce départ anticipé et fait qu’en France on est vieux à 55 ans, alors qu’on l’est plus tard dans le reste du monde. C’est désormais à l’Etat de prendre ses responsabilités en changeant les règles du jeu, comme cela a été le cas en Finlande ou aux Pays-Bas, qui ont réussi dans les années 1990 à rétablir le taux d’emploi de leurs seniors.

    Il faut poursuivre dans la voie ouverte par la réforme des retraites de 2003, en incitant à prolonger l’activité. Des moyens existent, de la hausse des surcotes à l’assouplissement du cumul emploi-retraite. Il faut, en second lieu, durcir les dispositifs de cessation anticipée d’activité. On sait que tous les seniors ne trouveront pas du travail et que des situations difficiles se présenteront. Il ne s’agit donc pas de fermer tous les dispositifs d’indemnisation, mais de les rendre conditionnels.

    Fermer la porte de sortie de la préretraite, repousser l’âge de la retraite par des incitations adéquates : ces nouvelles règles du jeu seront décisives pour améliorer l’emploi des seniors. En rendant les carrières plus longues, elles permettront aussi d’éviter que les mesures en faveur de la formation et d’une nouvelle organisation du travail ne restent lettre morte.

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