Leçon pontificale

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De l’amour au festin

Comme s’il voulait confirmer mon avant-dernier billet, Benoit XVI délivre, dans l’Encyclique Deus est caritas une intéressante leçon sur le passage de l’Ancien au Nouveau Testament.

<< À l’amour entre homme et femme, qui ne naît pas de la pensée ou de la volonté mais qui, pour ainsi dire, s’impose à l’être humain, la Grèce antique avait donné le nom d’eros. Disons déjà par avance que l’Ancien Testament grec utilise deux fois seulement le mot eros, tandis que le Nouveau Testament ne l’utilise jamais: des trois mots grecs relatifs à l’amour – eros, philia (amour d’amitié) et agapè – les écrits néotestamentaires privilégient le dernier, qui dans la langue grecque était plutôt marginal. >> nous est-il d’abord expliqué.

Puis, plus loin :
<< Le fait que l’on trouve, dans ce livre (Le Cantique des Cantiques), deux mots différents pour parler de l’ «amour» est très instructif. Nous avons tout d’abord le mot «dodim», un pluriel qui exprime l’amour encore incertain, dans une situation de recherche indéterminée. Ce mot est ensuite remplacé par le mot «ahabà» qui, dans la traduction grecque de l’Ancien Testament, est rendu par le mot de même consonance «agapè», lequel, comme nous l’avons vu, devint l’expression caractéristique de la conception biblique de l’amour. >>

Ainsi nous apprenons que les traducteurs de la Septante avaient choisi, pour traduire l‘ahabà hébreu un mot de “même consonance” : agapè. En utilisant mon système de transcription, ahabà s’écrit AHBH, le mot AB, plus deux H en 2 et en 4, de valeur 13, ce qui le rapproche du Tétragramme YHWH, béni soit-Il, de valeur 26. Dans le Pentateuque, le mot AHBH n’apparaît sauf erreur que dans le Deutéronome, toujours avec la particule L, Le, “par amour”, et qualifie soit l’Amour de Dieu pour son peuple, soit l’Amour de l’homme pour Dieu. Le verbe “aimer”, AHB, lui, y est aussi conjugué, et notamment dans le Chema, cité par Benoit XVI et bien connu du moindre Juif ayant fait sa bar-mitsva : Écoute, Israël: le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras (WAHBT, Vea’havta, agapéseis en grec) le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (Deutéronome 6, 4-5)

Mais le verbe “aimer”, AHB, se trouve aussi dans la Genèse pour diverses configurations d’amour maternel, paternel, fraternel… (en général conjugué en grec autour de agapé), et même pour les goûts culinaires d’Isaac aveugle, au chapitre 27, versets 4, 9 et 14. Mais dans ce cas, la Septante conjugue le verbe philein.

Ceci nous amène au sens qu’a pris agapè et qui a donné nos “agapes”, celui du festin de la fin des temps qui marque les Noces (l’Amour du Cantique des Cantiques est un Amour nuptial) de Dieu avec toutes les nations, festin d’où sont sortis tant la Cène évangélique qui institue l’Eucharistie, que le Seder pascal de la Hagadah juive…

Le Larousse encyclopédique donne cette définition d’”agape” : “Dans l’Eglise primitive, repas fraternel à caractère liturgique que les chrétiens prenaient en commun. Il n’est pas sûr que l’agape ait jamais été liée à la célébration de l’Eucharistie. En tout cas, dès le IIème siècle, l’eucharistie était distincte de l’agape. Ce repas donna lieu à des abus et disparut vers le Vème siècle“. Vous avez dit “abus” ? Aurait-on confondu agapé et philia ? Dans le Seder pascal, le rite de l‘Afikomen, formé sur “Epicurien”, est de même destiné à démarquer les traditions juives de ces mêmes abus.

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