Obscurantisme, relativisme, monothéisme

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De mauvais sociologues, un excellent Pape.

Deux articles du Monde d’hier soir.

Dans l’un, page 16, intitulé Les lauriers de l’obscurantisme et signé par Jean Baubérot, directeur d’études à l’EPHE, Bruno Etienne, professeur émérite, Franck Fregosi, chargé de recherche au CNRS, Vincent Geisser, chargé de recherche au CNRS et Raphaël Liogier, professeur des universités, les auteurs dénoncent le prix du livre politique de l’Assemblée nationale attribué à Caroline Fourest, pour “La Tentation obscurantiste” (Grasset, 2005).

Je n’ai pas lu Caroline Fourest, mais ses dénonciations de Tariq Ramadan et de l’obscurantisme islamiste ainsi que sa participation au Manifeste des Douze la rendent fort sympathique. Après tout, M. Ahmadinejad préside des colloques tout aussi “scientifiques” que ceux fréquentés par MM. Baubérot, Bruno Etienne, Fregosi, Geisser et Liogiers. Ces Messieurs dénoncent les philosophes autoproclamés. Eux sont des sociologues mutuellement proclamés, dont le corporatisme universitaire rappelle la scholastique médiévale. Or ce “prix du livre politique”, lui, a au moins la légitimité de la représentation nationale. Vive Caroline Fourest !

Dans l’autre article, page 2, consacré à “La petite musique de Benoît XVI”, Henri Tincq pointe en particulier sa “méfiance pour les rencontres interconfessionnelles d’Assise, aux résultats mitigés, voulues par son prédécesseur”. Il y a là une distance prise par Benoit XVI avec le “relativisme”, souvent dénoncé par Alain Finkielkraut, qui donnerait à toutes les religions, à toutes les croyances, à tous les expressions artistiques, la même légitimité. “L’islam n’est pas un monothéisme semblable au judaïsme et au christianisme. Ce n’est pas la même Révélation. Aucun dialogue religieux n’est possible avec l’islam, ni avec les sagesses d’Asie. Mais un dialogue culturel, oui.” Quelle belle citation, digne de l’excellent Pape que nous avons là !

Sous prétexte d’objectivité et de respect mutuel, on en arrive à s’abstenir de tout jugement, à considérer comme équivalents tous les témoignages d’une culture particulière. Ce faisant, on renonce à définir des valeurs universelles. Se déguisant en porteur de paix et d’amour, le relativisme, celui qui sévit sur Internet en particulier, est bien plus dangereux que le négationnisme porteur de haine qui, lui, annonce sa couleur.

3 ré:ponse à “Obscurantisme, relativisme, monothéisme”

  1. Michael Smadja a écrit :

    Du bon usage du pamphlet, par Michael Smadja

    LE MONDE | 21.04.06 |

    Pour tout lecteur du livre de Caroline Fourest “La Tentation obscurantiste” (Grasset, 2005), le point de vue paru à son sujet sous la plume d’universitaires bardés de titres (Le Monde du 18 avril) est stupéfiant.

    Ces messieurs commencent par classer ce livre dans un genre plus général (les pamphlets sur l’islamisme), puis ils décrivent les perversions de cette veine d’ouvrages à grand renfort de références - il semble que le premier à citer Bourdieu, dans leur esprit, a gagné ; quel enfantillage ! - et d’accusations très graves : Caroline Fourest utiliserait le “vieux fonds de commerce de la peur de l’autre”. Enfin, ils en concluent que Caroline Fourest est une obscurantiste, sans avoir une seule seconde abordé les questions dont le livre est porteur. Par contre, ils auront, en quelques lignes, mobilisé toute la gamme des vertus indignées (ils sont très antiracistes) et toute l’autorité de l’ordre du discours (ils sont très, très scientifiques).

    Malheureusement pour eux, ledit livre existe. Si bien que tout un chacun peut, de ses propres yeux, pas encore décrottés par l’analyse percutante de ces messieurs, vérifier qu’il n’a rien à voir, même de loin, avec le portrait diffamatoire qu’en font les éminences en question. En fait de littérature douteuse, le pamphlet - car c’en est un, on peut le déplorer - est surtout une piqûre de rappel salutaire pour la gauche en général. Il s’agit de s’inquiéter d’une connivence contre nature entre un certain militantisme de gauche et des représentants de l’islam radical.

    Il s’agit d’en appeler à des valeurs universelles (”pseudo-universalistes” si l’on en croit nos amis très scientifiques) telles que l’égalité des hommes et des femmes, l’idée que la religion n’a rien à faire dans la vie publique ou le rappel du fait que l’homophobie est intolérable. Autrement dit, le pamphlet dont il est question, même si l’on peut regretter que sa dimension analytique soit réduite (mais c’est un livre d’intervention politique et non d’analyse), propose de repasser la plume sur une ligne qui semble s’effacer : celle qui sépare le militantisme en faveur des damnés de la terre, d’une part, et le prétendu anti-impérialisme des extrémistes musulmans, de l’autre.

    Qu’on ne s’y trompe donc pas : ce n’est pas un livre de “nouveau réactionnaire”, mais le livre d’une vraie femme de gauche. Pas une ligne n’est soupçonnable de racisme ou de nostalgie impérialiste, tout au contraire. Encore une fois, il suffit de le lire. Alors d’où vient cet hallucinant article signé par des chercheurs professionnels ? Question plus gênante encore : comment se fait-il que Charlie Hebdo et ses collaborateurs (dont Caroline Fourest) semblent un vivier d’intelligence du monde et d’honnêteté bien plus crédible que certaines unités du CNRS ?

    Peut-être parce que, dans la rédaction de ce journal satirique, on a conservé l’idée qu’être de gauche n’est pas une simple posture sociale, mais plutôt, avant toute prise de position, l’exigence de la lucidité.

    Michael Smadja est professeur de philosophie.

  2. adrien s. a écrit :

    M. Lévy,

    je trouve surprenant que vous preniez parti pour un livre que vous n’avez même pas lu, malgré sa taille modeste (166 pages, le livre est aussi petit que la pensée de C. Fourest est profonde). Je ne puis que vous conseiller de vous pencher sur cet essai, vous comprendrez ainsi combien la critique des auteurs de l’article du monde est fondée. L’essai de CF n’est qu’un condensé de règlements de comptes et de mensonges, et le rendement erreurs factuelles/nombre de pages le rapproche plus d’un magazine ”people” que d’un ouvrage qui peut revendiquer une quelconque légitimité scientifique. En revanche il peut se targuer, comme vous l’écrivez, de la légitimité de la représentation nationale. Quel honneur en effet de se voir remettre un prix dont le jury est composé de l’élite intellectuelle de notre pays, que la planète entière nous envie. Vos lecteurs jugeront: Brice Teinturier, Jean-Pierre Elkabbach, Arlette Chabot, ou encore Anita Hausser. Cela donne le vertige.
    Je trouve tout aussi curieux que vous choisissiez vos critère d’appréciation a priori d’un ouvrage renvoient sans cesse au parti pris anti-musulman qui l’entoure. Il suffit de lire votre édifiant article. De même, les universitaires que vous attaquez ont en commun de vouloir appréhender la question de l’islam à la lumière d’enquêtes et de recherches qui elles sont réellement marquées du sceau de la scientificité la plus objective.
    Il s’agit ici d’une ascèse que chaque sociologue ou chercheur se doit de respecter pour envisager des questions aussi passionnées.
    Enfin, permettez moi de conclure en rectifiant une erreur qui a échappé à votre esprit brillant. On n’écrit
    pas scholastique, mais bien scolastique quand il s’agit de la référence une certaine philosophie dispensée au moyen-âge. Une telle erreur en dit long sur la pertinence de vos interventions.

    Bien cordialement,
    AS

  3. Michel Louis Levy a écrit :

    C’est bien aimable à vous de juger de la pertinence de mes observations sur la base d’une faute d’orthographe. Sur la question de l’ascèse, je continuerai de dénoncer l’obscurantisme et le relativisme, et de tenir les islamistes radicaux pour de dangereux obscurantistes, les musulmans ordinaires et beaucoup de sociologues prétendûment scientifiques pour de naïfs relativistes.

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