Hommage à la Résistance Juive

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A la mémoire de
Maurice Loebenberg (Cachoud), héros des faux papiers
et Thérèse Tedesco, fusillée à 24 ans

Questions sur le prochain hommage aux Justes au Panthéon
par Tsilla Hershco
pour Guysen Israël News

Jeudi 18 janvier le Président Jacques Chirac rendra hommage au Panthéon aux Justes parmi les nations qui, pendant l’Occupation, sauvèrent des Juifs, au péril de leur vie. Une question s’impose : le rôle déterminant joué par la Résistance juive dans le sauvetage des Juifs français sera-t-il évoqué dans la cérémonie, ou éludé comme c’était le cas dans le passé ?

Déjà en 1995, et depuis lors à maintes reprises, le Président Chirac, tout en admettant la responsabilité de la France dans la Shoah du judaïsme français, a soutenu parallèlement que les Justes français avaient sauvé les trois quarts de la communauté juive en France - environ 300 000 personnes en 1939 -, sauvant ainsi l’honneur de la France.


Cette formule est répétée dans les cérémonies commémorant la Shoah par les responsables de l’administration française, ainsi que par les représentants de la communauté juive de France (voir la cérémonie de 25 janvier 2005, lors de l’inauguration du Mur des Déportés au Mémorial de la Shoah à Paris). Or, attribuer le sauvetage des Juifs français exclusivement aux Justes français, c’est bafouer la mémoire de la Résistance juive en France pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le rôle essentiel de la résistance juive

Il faut noter qu’au plus fort de l’agression barbare perpétrée par les nazis contre les Juifs de l’ensemble de l’Europe, et du fait de la collaboration du régime de Vichy, les membres du mouvement de Résistance juive en France durent mener le combat et contre les nazis et contre les collaborateurs français.


Ils sauvèrent ainsi plusieurs milliers d’enfants et d’adultes, en distribuant des faux papiers, en trouvant des cachettes pour des adultes et des enfants et en évacuant des convois de Juifs vers la Suisse et l’Espagne. Ils constituèrent des groupes de guérilla dans les villes de France et des groupes de maquis dans les campagnes. Dans cette action menée pour le sauvetage des Juifs, ils reçurent un soutien significatif de la part de religieux et d’institutions protestantes et catholiques de France.


Ils participèrent aux combats pour la Libération dans le cadre des Forces françaises libres (FFL) et, après les combats, furent officiellement reconnus et décorés par les autorités françaises.

Fidèles à leur rêve sioniste et mus par un sentiment de responsabilité envers le peuple juif, des membres de l’Organisation juive de combat (OJC) participèrent à la fin de la guerre, au combat pour la création de l’État d’Israël. Certes, loin de nous de nier le rôle important des Justes français dans le sauvetage des Juifs. Il est néanmoins inadmissible de passer sous silence le rôle capital de la Résistance juive présenté ci-dessus. La Résistance juive organisée fut, en fait, la cheville ouvrière du sauvetage des Juifs : ses membres furent les premiers à faire du sauvetage le fer de lance de leur action.


Ce furent eux qui, à plusieurs occasions, prirent l’initiative des contacts avec des institutions chrétiennes et des particuliers. Ils fournirent des faux papiers aux enfants et aux adultes cachés, acheminèrent des fonds et apportèrent des tickets alimentaires pour l’entretien des enfants cachés.

Le rôle occulté de la résistance juive dans les célébrations officielles

Dès lors, comment saisir le fossé entre ce rôle déterminant joué par la Résistance juive en France, déjà exposé dans des ouvrages universitaires, et l’absence quasi-totale d’évocation de ce rôle lors des cérémonies de commémorations officielles en France ?

Entre autres explications, il semble que la reconnaissance de l’existence d’une résistance juive autonome soit incompatible et contradictoire avec la conception paradigmatique de l’unité de la République française. En fait, tout ce qui semble s’apparenter à une manifestation identitaire d’allégeance communautaire distincte suscite des critiques virulentes au sein de l’opinion publique française et au sein des autorités françaises.

De toute évidence, le processus entamé par la France pour assumer sa responsabilité dans les crimes de Vichy ne sera pas achevé et les leçons de la Shoah ne seront pas tirées tant qu’on continuera à attribuer tout le mérite du sauvetage des Juifs aux Justes parmi les nations. La France doit impérativement reconnaître que, par suite des persécutions des Juifs par le régime de Vichy et les nazis, la communauté juive en France a été contrainte de s’organiser et de créer des structures de sauvetage autonomes. Si l’intégration de la mémoire de la Résistance juive dans la mémoire collective française soulève des thèmes sensibles, elle n’en demeure pas moins une obligation morale et historique.

Le professeur Tsilla Hershco, historienne et chercheuse au Centre Begin-Sadat (BESA) d’études stratégiques, université Bar-Ilan (Israël), est spécialiste des relations israélo-françaises. Elle a publié
Entre Paris et Jérusalem, la France, le sionisme et la création de l’État d’Israël, 1945-1949 (en français) ;
Ceux qui marchaient dans les ténèbres verront une lumière, la Résistance juive en France, la Shoah et la renaissance d’Israël : 1940-1949 (en hébreu)
La France et l’Intifada II

Pour en savoir plus :
Organisation juive de combat, Résistance/sauvetage 1940-1945. Ed. Autrement. 488 pages.
Lucien Lazare, Dictionnaires des Justes de France. Yad Vashem-Fayard, 2003. 500 pages.
The Begin-Sadat (BESA) Center for Strategic Studies

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