Les occasions manquées des démographes

Démographie et politique Ajouter un commentaire

En 1995, pour le 50ème anniversaire de l’INED, j’avais écrit sous ce titre un article-bilan que j’ai retrouvé sur le remarquable site “persee.fr”. C’était avant Google et Wikipedia, avant le 11 septembre 2001 et la chute de Lehman Brothers

Les occasions manquées des démographes.
Vingtième Siècle. Revue d’histoire.
N°51, juillet-septembre 1996. pp. 129-139.

Extraits :
(…) Les démographes ont à intervenir à trois niveaux, le vaste monde, la modernité occidentale et, pour la France, l’emploi et la sécurité sociale.

(…) La France consacre des efforts brouillons et dispersés à la description et à la compréhension de la situation démographique du monde entier. L’INED, l’INSEE, l’ORSTOM et d’autres institutions universitaires constituent un fonds considérable de connaissances, mal coordonné, fait d’annuaires statistiques, de résultats de recensements, d’enquêtes, d’analyses de l’état civil, de revues spécialisées, d’actes de colloques du monde entier. Plus généralement, la chaîne à laquelle participent démographes, statisticiens et autres spécialistes des études de population, allant de la collecte des données jusqu’à l’information des administrations, des entreprises et du public, constitue un «service public international» largement méconnu. Quand les organisations internationales, mondiales ou européennes, aident des pays pauvres à organiser leur recensement ou à conduire une enquête de fécondité, ou encore à étendre les régions où fonctionne l’état civil, elles participent à la mise en place, patiente et obstinée, d’une information démographique mondiale de qualité. À l’heure des bases de données, des CD-ROM et des autoroutes de l’information, il est aujourd’hui urgent de valider et mobiliser au mieux, pour la connaissance et pour l’action, les résultats de tous ces efforts internationaux.

(…) Malgré de méritoires tentatives, il a été jusqu’ici impossible d’imaginer et de mettre au point un enseignement qui étende aux questions familiales et sociales la traditionnelle instruction civique. Pourtant, à force de récuser toutes les cléricatures, la société finit par démissionner de son rôle pédagogique ou plutôt l’abandonne aux seuls médias, quitte ensuite à dénoncer leur emprise excessive. Tout se passe aujourd’hui comme si, par crainte de verser dans l’« ordre moral », la fonction qu’il faut pourtant appeler « morale » au sens d’« enseignement des mœurs » - «donnez un père et une mère à vos enfants, ne commencez pas trop tard à avoir des enfants mais n’en ayez pas trop, prenez-en soin, fumez moins, buvez moins, polluez moins, conduisez prudemment, soignez vous avec rigueur et en ménageant les deniers publics, soyez courtois avec les personnes âgées, avec les étrangers …» - était sous-traitée aux journalistes et aux publicitaires. Le jour où cette difficulté sera enfin vaincue, les connaissances des démographes - en particulier les comparaisons entre les comportements familiaux des sociétés modernes et ceux des sociétés anciennes ou exotiques — prendront enfin toute leur valeur.

(…) La dispersion excessive des aides publiques prive les vraies victimes, en particulier les ménages à double chômage, de l’efficacité de la solidarité nationale. Le remède est dans l’extension des impôts progressifs sur les revenus familiaux, assis sur la situation réelle des ménages, ce qui peut inclure le patrimoine, et ne frappant pas les revenus les plus bas; dans la suppression de toute cotisation plafonnée; et dans la diminution des mécanismes uniquement proportionnels, comme la plupart des cotisations sociales, par l’insertion de mécanismes d’« abattement à la base », ne frappant pas la partie du revenu égale au salaire minimal. En un mot, il faut reconnecter le travail, y compris domestique et familial, avec sa rémunération. Il faut pour cela augmenter les taxations, y compris locales, fondées sur le niveau de vie du foyer, véritable cellule de production et de consommation, et diminuer celles fondées sur les ressources et dépenses individuelles. Le système actuel, qui donne une trop grande place à celles-ci, et une place insuffisante à celles-là, ne profite qu’aux plus malins, qui se reposent sur leurs concitoyens des charges d’éducation des enfants, de protection des malades et d’assistance aux personnes dépendantes.

(…) Sans doute faut-il ajouter aujourd’hui aux « critères de Maastricht » la convergence fiscale et sociale sur un système délibéré en commun et la faire vérifier par un Institut européen d’études démographiques à créer, auquel il faudrait insuffler, comme Sauvy le faisait pour l’INED, l’inspiration et la curiosité des penseurs des Lumières. En ce temps-là, on ne distinguait pas économistes, sociologues, actuaires ou démographes.

Consulté le 30 septembre 2009

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La Bible hébraïque présentée, traduite (8 versions) sur JUDÉOPÉDIA
et commentée sur son blog

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