L’onction de Béthanie

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L’affaire des mandragores conduit à la naissance d’Issacar et à la métaphore des parfums, symbole de la connaissance de la Loi qui se répand.

Dans la liste des fils de Jacob, Judah, quatrième fils de Léa, est suivi d’Issacar, le cinquième, comme on le lit en Exode 1 et et 1Chroniques, 2. Dans le midrash chrétien, les deux noms fusionnent sous la forme Judas Iscariote. Avec ce nom, Judas obtient les trente deniers de sa traîtrise, réminiscence des vingt pièces d’argent obtenues par Judah pour la vente de Joseph :

Matthieu 26, 14-16 : « Alors l’un des douze, appelé Judas Iscariote, s’en alla vers les principaux sacrificateurs, et dit : Que voulez-vous me donner, et moi, je vous le livrerai ? Et ils lui comptèrent trente pièces d’argent. Et dès lors, il cherchait une bonne occasion pour le livrer. »

Or cette vente de Jésus est immédiatement précédée par “l’onction de Béthanie”. Une femme répand un parfum de grand prix sur la tête de Jésus. Les apôtres s’indignent de ce gaspillage mais Jésus prend la défense de cette femme : “En répandant ce parfum sur mon corps, elle l’a fait pour ma sépulture. Je vous le dis en vérité, partout où cette bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu’elle a fait.“. Le récit parallèle de Jean, 12, 4-8, est : “Un de ses disciples, Judas Iscariote, fils de Simon, celui qui devait le livrer, dit: Pourquoi n’a–t–on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ? Il disait cela, non qu’il se mît en peine des pauvres, mais parce qu’il était voleur, et que, tenant la bourse, il prenait ce qu’on y mettait. Mais Jésus dit : Laisse–la garder ce parfum pour le jour de ma sépulture. Vous aurez toujours les pauvres avec vous, mais vous ne m’aurez pas toujours.

Maurice Mergui, architecte après Bernard Dubourg de l’“hypothèse midrashique“, explique : la problématique est l’entrée des païens dans l’Alliance (1); le parfum est une métaphore des mitsvot, de l’accomplissement des commandements divins ; Judas symbolise le peuple juif qui a reçu la Torah, qui a donc la “connaissance des temps”, ce qui explique Matthieu 26, 16 “Depuis ce moment, il cherchait une occasion favorable pour livrer Jésus“.

Or les Juifs s’inquiètent de ce que la Loi, sous sa forme nouvelle, devienne universelle (”cette bonne nouvelle sera prêchée dans le monde entier). Ne peut-on craindre que les païens soient sauvés alors qu’ils n’ont pas supporté le joug de la Loi, et que les Juifs ne reçoivent plus la “récompense” de leurs mitsvot ? Ils seraient alors dits “pauvres” (Béthanie, Beyt ‘Any, BYT ŒNY, c’est la maison du pauvre (2)). Mais Jésus assure que le peuple juif ne disparaîtra pas avec lui : “Vous aurez toujours les pauvres avec vous, mais vous ne m’aurez pas toujours.“. Les temps messianiques ne différeront pas de l’ordinaire, à ceci près : les nations reconnaîtront l’élection d’Israël.

Le souvenir du midrash décrivant Issacar, étudiant et enseignant la Torah à temps complet, entretenu par son frère Zabulon, se renverse dans l’appréciation de Jean faisant de l’Iscariote « un voleur, qui tient la bourse, et qui y prend ce qu’on y met ». Dans l’Israël contemporain, les contribuables contestent les privilèges des étudiants des Yeshivot, subventionnés par l’État et dispensés de service militaire, qui plaident que c’est grâce à l’étude de la Torah que se maintiennent l’âme et l’unité du peuple d’Israël…

Il serait temps que les dictionnaires et encyclopédies usuels rétablissent l’étymologie de Judas Iscariote et la rapprochent de celle d’Issacar, AYS SKR, Ish Sakar, “homme du salaire“ mais aussi “homme de la récompense“. Il serait temps de s’indigner que les noms de Judas, Yehoudah, YHWDH, et des Juifs, Yehoudim, restent associés à l’argent, à la vénalité et à la trahison, plutôt qu’à la proclamation infinie de l’Unité de l’Humanité et de YHWH, béni soit Son Nom.

Pourquoi dit-on d’un texte, slogan ou tag antisémite qu’il est “nauséabond” ?

(1) Voir «La pécheresse pardonnée et Rahab» sur le site «Le Champ du Midrash». Sur Bernard Dubourg, Maurice Mergui et le midrash, voir « Réécrire l’histoire »

(2) Voir par exemple : Lévitique 23,22 : Et quand tu feras la moisson de ta terre, (…) tu ne glaneras pas la glanure de ta moisson; tu la laisseras pour le pauvre (LŒNY, Lè’Any) et pour l’étranger.

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