Shoah sans Torah…

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Vendredi 5 décembre, le ministre Xavier Darcos a présenté de nouveaux instruments pédagogiques dédiés à l’enseignement de la Shoah. Analyse d’un malaise.

Disons d’emblée que l’ensemble présenté, y compris le site Internet associé, est remarquable et offre une documentation de qualité à tout enseignant désireux de traiter devant ses élèves ce sujet délicat, sous l’angle de son exécution matérielle, implacable et cynique.

Reste cependant dans l’ombre une interrogation diffuse : “qui étaient les victimes ?”

À la consultation des documents et liens présentés, la Shoah apparaît comme une partie d’un ensemble plus vaste, celui de la “déportation”. On pense aux témoignages des rescapés comme Simone Veil, qui racontent qu’après la Libération ils étaient volontiers confondus avec les autres déportés, résistants ou réfractaires au STO… On pense aussi à la pièce de Jean-Claude Grumberg “L’Atelier”, qui évoque l’attente, par les proches des disparus, des papiers officiels mentionnant la date et le lieu de leur décès… éventuel.

Les victimes de la Shoah sont le plus souvent désignées comme “juives”, mais on n’aura guère de précision sur la nature et les formes de cette judaïté. Faut-il parler de “race juive”, de “religion juive”, de “peuple juif” ? La laïcité républicaine est mal à l’aise sur ce point : les documents cités s’en tiennent à la “culture juive”, dont traite le site du Musée d’art et d’histoire du judaïsme, l’ouvrage de référence étant “Anthologie du judaïsme, 3000 ans de culture juive” par Francine Cicurel (Nathan, 2007). Par ailleurs, la documentation étant centrée sur les itinéraires des enfants victimes de la Shoah en France, la culture dont il est question est le plus souvent celle, assassinée, des pays du Yiddishland, dont ils étaient majoritairement originaires.

Reste qu’un enseignant néophyte et a fortiori un élève de CM2 mis devant ce matériel pédagogique risque de ne pas bien comprendre par quelles voies mystérieuses ces adultes et ces enfants ordinaires étaient appelées à devenir les victimes d’un tel crime cataclysmique. C’est que la documentation ne porte ni sur l’antisémitisme, ni sur la Bible, ces questions étant peut-être supposées faire partie de la culture générale acquise par ailleurs, ce dont on peut légitimement douter.

C’est pourquoi je conseillerais volontiers à un enseignant désireux de préparer une leçon sur la Shoah de commencer par lire - et possiblement améliorer - les articles “Shoah” et “Antisémitisme” de Wikipédia de même que les articles liés, puis, quant à la Bible, de lire sur ce blog les billets consacrés à “L’invention de la semaine” et à “la conservation de l’ordre alphabétique“.

Pour paraphraser Rabelais, “Science (de la Shoah) sans conscience (de la Torah) n’est que ruine de l’âme”.

Et pour paraphraser le Prologue de l’Évangile de Yohanan (YWENN), ” Au Commencement sont les Chiffres et les Lettres “…

Voir aussi les conférences du Site Akadem

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MLL en vidéo UTLS, 26 février 2000, “Migrations et tensions migratoires”.

Une réponse à “Shoah sans Torah…”

  1. Moumine a écrit :

    Ce que vous écrivez me fait penser à l’historiographie d’Europe orientale (communiste), ô combien décriée par ici, qui escamotait aussi complètement la qualité juive de la majorité des victimes d’Auschwitz et des autres camps. C’est fou, cette difficulté persistante à nommer les victimes. Je trouve ça malsain et pas du tout anodin, en tout cas. Le message subliminal, ce n’est pas comme vous le supposez “l’antisémitisme est connu de tous”, c’est plutôt: “moi aussi, j’ai été victime…”

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