3. Que la lumière soit

La Révélation Ajouter un commentaire

Quel est le Nom de Dieu ?

Bien que n’étant pas croyant, je me suis aperçu de l’immense indifférence, distance et insouciance des traducteurs bibliques. Il y a une densité de sens que nous avons gaspillées dans la variation des traductions.
Erri De Luca, “La Voix et l’Écriture”, propos recueillis par Kerenn Elkaïm, L’Arche, n° 638, août-octobre 2012, p. 98.

Dans le premier verset de la Genèse, “Au commencement, Dieu créa …”, Dieu, c’est ALHYM, qu’on prononce Elohim. C’est le pluriel du mot AL, El, qui signifie “dieu”, avec une minuscule. Au sens propre, Elohim, c’est “dieux”. Mais comme le mot gouverne des verbes au singulier, on peut le rendre, par exemple, par “la totalité des dieux”. Il est vraisemblable que Elohim ait donné “Allah” en arabe, et aussi le mot “Ille” du latin, lui-même à l’origine de notre pronom personnel “Il”. Si bien que lorsqu’on dit “Béni soit-Il”, il est légitime d’entendre “Béni soit Elohim“. Il est d’usage d’écrire alors “Il” avec une majuscule.

Au troisième verset, Elohim revient : WYAMR ALHYM VayOmer Elohim “Et-dit Dieu”. Et que dit-Il ? Quatre mots décisifs, les plus fulgurants que Moïse ait jamais écrits : YHY AWR WYHY AWR, Yehi ‘Or Vayehi ‘Or , “Et-dit Dieu Sois Lumière Et-soit Lumière”. Treize lettres, deux fois les mêmes six lettres, YHY AWR, séparées par un W, un Vav hébreu, la sixième lettre de l’alphabet : En latin, cela donne “Fiat lux et facta est lux”. En anglais “Let there be light : and there was light”. Et en français “Que la lumière soit et la lumière fut”.

AWR, ‘Or, c’est la pensée, la clairvoyance, la lumière, comme on dit le “Siècle des Lumières”. Yehi, YHY, est traduit par “Soit”, subjonctif présent du verbe être, à valeur de futur, Vayehi WYHY, par “Fut”, passé simple du verbe être. La règle est connue des grammairiens de l’hébreu biblique sous le nom de “Vav conversif” : le W placé devant un verbe au futur le transforme en passé, le W placé devant un verbe au passé le change en futur. Le résultat est que les deux lettres WY devant un verbe rendent à la fois le passé et le futur. Quand on traduit les versets bibliques commençant par ces deux lettres, WYDBR, VayeDaber, “et Il parla”, WYAMR, VayOmer, “et Il dit”, WYQRA,VayQra, “et Il appela”, WYHY, Vayehi, “et ce fut”, on devrait plutôt entendre : Il parla, et Il n’a pas fini de parler, de dire, d’appeler, d’être..… L’anglais a gardé trace du pouvoir conversif du W : placé devant le mot ”man”, homme, il le change en ”woman”, femme. Placé devant le mot ”East”, Est, il le change en ”West”, ouest.

À propos de WYQRA, observons que le verbe QRA, Qara, est souvent rendu par « appeler », au sens de « nommer ». Ainsi dès le premier Jour de la Création, le cinquième verset de la Tora : WYQRA ALHYM … Vayqra Elohim … est traduit en général : « Dieu appela (la lumière Jour et les ténèbres Nuit) ». André Chouraqui, lui, traduit QRA par « crier » : « Elohim crie à la lumière : « Jour ». A la ténèbre il avait crié « Nuit » ». Et de même, pour Genèse 17,19 WQRAT SMW YZEQ Veqrata Chemo Its’haq, au lieu de « Tu l’appelleras Isaac », il préfère : « Crie son nom, Is’hac ! »

Le Lévitique, troisième Livre de Moïse, commence par WYQRA, Vayqra, qui est son titre en hébreu. Chouraqui le présente ainsi : « Il crie vers Moshé… Ainsi débute ce volume, avec ces mots dont la racine est voisine du mot arabe Qur’an qui donne en français Coran, le Cri, “proclamation” (souligné par MLL) publique de la parole d’Allah. ». Selon la tradition musulmane de la Révélation, Mahomet voit les versets danser devant ses yeux et l’ange Gabriel lui intime « Proclame ! ». Certaines traductions du Coran ont pour titre « L’Appel ». Quand un garde champêtre fait une proclamation, quand un adjudant “fait l’appel”, ils lisent un document préétabli. C’est pourquoi QRA a aussi le sens de « lire à haute voix », puis de « lire », tout court. En hébreu moderne, « savoir lire et écrire » se dit YDŒ QRWA WKTWB Yada’ Qerou’ ouKetob. Le Coran, c’est aussi “la Lecture”.

Bref, avec les conjugaisons du verbe Être, et par des voies qui nous échappent - on appelle cela “la Révélation” - Moïse calcula le Nom propre de Dieu, YHWH, en grec le “Tétragramme”, les Quatre lettres, qui sont trois différentes : le H revient deux fois, inspiration - expiration séparées par un W qui les échange, le Y initial donnant au mot une dynamique d’éternité. Mais il mit sur le mot un interdit absolu, énoncé au troisième des Dix commandements, généralement traduit par : “Tu ne prononceras pas en vain le Nom ((AT-SM, Ète-Chem) de YHWH ton Dieu” (Voir A2 : Le troisième commandement).

Le Nom propre de Dieu est “ineffable”, imprononçable. Nous y reviendrons.

A suivre
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La Bible hébraïque présentée, traduite (8 versions) et commentée sur JUDÉOPÉDIA

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