13. Le quatrième fils

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De la vente de Joseph à celle du fils de Joseph

Jacob n’en a pas fini avec les coups fourrés. Tombé amoureux de sa cousine Rachel, REL, Ra’hel, fille cadette de Laban, le frère de Rébecca, sa mère, il accepte de travailler pour Laban sept ans pour gagner le droit d’épouser sa belle. Mais le jour venu, Laban organise un festin, et sa fille aînée, Léa, LAH, “supplante” sa sœur dans le lit de Jacob, qui ne se rend compte de la supercherie qu’au matin et doit prolonger son séjour pour épouser aussi Rachel.

D’être mariée sans être aimée de son mari tourmente Léa, qui donne à ses trois premiers fils des noms liés à cette obsession. Ce n’est que la naissance du quatrième qui la libère.

Genèse 29, 32-35 : “Léa devint enceinte, et enfanta un fils, à qui elle donna le nom de Ruben (RAWBN, Reouven); car elle dit: L’Eternel a vu ma peine (KY-RAH YHWH BŒNYY, Ki Raah Adonaï Be’Aneyi, et maintenant mon mari m’aimera. Et elle conçut encore et enfanta un fils, et dit: Parce que l’Eternel a entendu ( KY-SMŒ YHWH, Ki-Chema’ Adonaï) que j’étais haïe, il m’a donné aussi celui-ci; et elle appela son nom Siméon (SMŒWN, Chime’one) Et elle conçut encore, et enfanta un fils et dit: Maintenant, cette fois, mon mari s’attachera (YLWH, Yelavèh) à moi, car je lui ai enfanté trois fils; c’est pourquoi on appela son nom Lévi (LWY, Lévi). Et elle conçut encore, et enfanta un fils, et dit: Cette fois, je louerai (AWDH, Odéh) l’Eternel; c’est pourquoi elle appela son nom Juda (YHWDH, Yehoudah)>; et elle cessa d’enfanter.

Le nom de Juda, YHWDH, Yehoudah) reproduit le Tétragramme divin, YHWH, qui vaut 26, auquel est adjointe au quatrième rang la lettre D, DLT, Dalet, quatrième lettre ; YHWDH vaut donc 26 +4 = 30. Ce D vient du verbe AWDH, Odéh, “louer”, mais Dalet signifie aussi “porte” : la louange de Dieu est une façon efficace d’ouvrir la porte des Cieux, béni soit le Nom…

Juda prendra l’ascendant sur ses dix frères dès la vente du onzième, Joseph. Ce sera une catastrophe. Ses frères envisagent, comme on sait, de tuer Joseph, YWXF, Yossef, “celui qui s’ajoute”, qu’ils ont de bonnes raisons de haïr. “Ils s’assoient pour manger le pain” Juda a alors ce mot terrible (1), dont les conséquences vibrent au long des siècles jusqu’à nous : “ Quel profit (MH-BZŒ, Mah-Betzah) aurions-nous à tuer notre frère ? Venez, vendons-le aux Ismaélites; et que notre main ne soit pas sur lui; car il est notre frère, notre chair. Et ses frères l’écoutèrent. (…) Et ils vendirent Joseph pour vingt pièces d’argent aux Ismaélites; et ceux-ci emmenèrent Joseph en Egypte.” (Genèse 37, 24-27)

Les livres des Rois et de Jérémie parlent des Yehoudim comme des habitants de la Judée, au moment où ils en sont expulsés, mais ce n’est que dans le livre d’Esther que des Yehoudim apparaissent ailleurs qu’en terre d’Israël, en Perse en l’occurrence. Or un Midrash cité par Elie Munk énonce à propos de la vente de Joseph : « Vous avez vendu votre frère, s’écria une voix du ciel, tout en vous attablant au festin ; or l’heure viendra où vos enfants seront vendus au milieu d’un festin » . Ce fut, bien des siècles plus tard, à Suse, la capitale de la Perse, lorsque « le Roi et Aman s’attablèrent pour boire » et décrétèrent d’exterminer les Juifs (Esther 3, 15). Un autre Midrash fait dire à Rabbi Hanin ” Vois jusqu’où la vente de Joseph projette son ombre, car le châtiment était encore dû, aux jours de Mardochée ” (2). Mais c’est un troisième Midrash, le Midrash chrétien, qui perpétue à jamais le geste de Juda, avoir vendu son frère.

Evangile de Matthieu 26, 14 et 15 : « Alors Judas Iscariote se rendit auprès des grands prêtres et leur dit : “Que voulez-vous me donner, et moi je vous le livrerai ?” Ils lui comptèrent trente pièces d’argent. 27,3 Alors Judas, qui l’avait livré, voyant qu’il était condamné, fut pris de remords et rapporta les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens. 27,5 Jetant alors les pièces dans le sanctuaire, il s’en alla se pendre. 27,7 Après délibération, les grands prêtres achetèrent avec cet argent le champ du potier comme sépulture pour les étrangers. »

« Judas » , par allusion au vendeur de Joseph. “Iscariote”, parce que SKR, Sekar, c’est le salaire, et que AYS SKR, Ish Sakar, l’homme du salaire, justifie le nom d’Issacar, cinquième fils de Léa et Jacob (Voir A20 : Les deux récompenses de Léa) ; les “Grands Prêtres” et le “sanctuaire”, parce que la tribu de Juda est la tribu royale d’Israël, et la Judée le siège de son Temple et de sa capitale, Jérusalem. « Trente » parce que YHWDH, Yehoudah vaut 26 + 4 = 30. « Acheter un champ pour sépulture » parce qu’Abraham a acheté un champ à Makhpela en sépulture pour Sarah. Et le Potier, YWZR, Yotser, parce qu’en Genèse 2, 7, YHWH pétrit, YYZR, yitser, l’homme, AT-HADM, Ète-haAdame, avec la glaise du sol MN-HADMH, Min-haAdamah.

On ne saurait détailler les cheminements qui inversèrent les choses. Les livres des Prophètes sont pleins d’imprécations contre les pêcheurs, fussent-ils judéens ; la dynastie hasmonéenne, celle de Juda Macchabée, fut dénoncée comme fidèle à l’hellénisme. Qui s’avise que la vente de Joseph par Juda, fils de Jacob, lui sauve la vie, tandis que celle du fils de Joseph par Judas Iscariote le condamne à mort ? Il s’agit, paraît-il, d’accomplir les Écritures. Mais le nom de Juda, c’est-à-dire celui des Juifs, reste irrémédiablement associé à l’argent, à la vénalité et à la trahison. Tout cela parce que Joseph a été vendu pour “vingt pièces d’argent”, et Jésus pour “trente deniers”.

(1) Mot auquel Armand Abécassis a consacré un livre entier “Judas et Jésus. Une liaison dangereuse“, Editions n° 1, 2001

(2) Maurice Mergui Le Midrah Rabba sur Esther, op. cit. p. 276

À suivre

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